Retour en Bretagne

Toujours fasciné pars l’histoire, mon grand-père continua de parfaire ses connaissances, d’effectuer des recherches dans les bibliothèques et les dépôts d’archives, et il décida de se consacrer particulièrement à l’étude de l’histoire du Pays de Dinan. Il anima souvent des visites guidées de la ville ou des excursions pour diverses sociétés. Son érudition, la qualité des ses commentaires, les anecdotes  pittoresques dont il savait émailler son récit, captivaient toujours l’attention de ses auditeurs.

Ses premières publications furent surtout des articles pour les sociétés régionales, mais vers 1950 il publia deux études sur Dinan :

             Dinan raconté dans ses rues  

             et

            Les sièges de Dinan

 Six ans plus tard, il fit éditer le premier de ses ouvrages les  plus importants, Quinze promenades autour de Dinan. En 1958, il publia Dinan, ville d’art ; en 1962, ce fut Sanctuaires, croix et fontaines, en 1965 Les contes de mon village, et en 1969 Dinan, mille ans d’histoire, ouvrage préfacé par le Président René Pléven, ancien Premier ministre, et couronné par l’Académie française.

Non content d’être historien très documenté de la région dinannaise dans ses évènements anciens, Mathurin Monier fut aussi un témoin attentif de l’actualité.  Il s’employa également à la protection des sites et des monuments dans le département des Côtes d’Armor. Il devint membre correspondant de la Commission supérieure des Monuments historiques.

 Au début des années 70, tous les amis de mon grand-père l’invitèrent à rééditer ses Quinze promenades autour de Dinan, car la première édition était épuisée depuis plusieurs années. Il hésita longuement, conscient du travail de recherche que cela nécessitait ainsi que de son état de santé, devenu précaire. Mais sa passion pour l’écriture et l’histoire de la région dinannaise l’incita à reprendre la tâche. Lorsque les lieux d’étude, trop éloignés, ne lui permettaient pas de chevaucher son vélomoteur, il se faisait transporter en voiture par l’un ou l’autre de ses amis.

Il venait de terminer son œuvre et de remettre le manuscrit de 1600 pages à l’éditeur lorsque la mort le terrassa, le privant ainsi la joie de voir sortir ce nouveau volume. Le livre, Châteaux, manoirs et paysages ou Quinze promenades autour de Dinan parut en 1975, préfacé par Maurice Druon de l’Académie française ; et en 1977, une deuxième édition du même ouvrage parut, cette fois-ci avec l’index que mon grand-père n’avait pas eu le temps de terminer, établi par M Francis Hervy.

Dans les années qui ont suivi son décès, son renom est resté aussi vif et  son nom respecté dans le pays de Dinan. En 1977,  Dinan, Mille ans d’histoire fut réédité sous la direction de feu ma mère, Mme Jeanne Marie Monier-Moore, avec des illustrations photographiques supplémentaires de Monsieur Don Barnett de Jersey. En 1985 ce fut la nouvelle édition desContes de mon village, enrichie de contes inédits conservés dans les archives de l’auteur, et embellie par les superbes illustrations de Monsieur André Mack ; cet ouvrage revu et augmenté fut publié  avec le concours de la publication Le Pays de Dinan. Il n’aurait jamais vu le jour sans la collaboration de Monsieur Loïc-René Vilbert, bibliothécaire de la Ville de Dinan.  En 1994 ce fut une nouvelle édition des Croix, sanctuaires et fontaines, livre préfacé par Yves Castel, guide-conférencier auprès de la ville et du Pays de Dinan, un ami fidèle de mon grand-père.

La présence de mon grand-père nous accompagne dans les lieux qui lui étaient chers :  A Dinan, il y a une rue Mathurin Monier, un placis Mathurin Monier, et à Yvignac, son village natal, une rue qui porte aussi son nom. Sa mémoire demeure vivante, un véritable patrimoine. Dans un monde de plus en plus envahi par la technologie, les livres d’histoire de mon grand-père perdent-ils leur actualité, leur charme, leur valeur ? Oh non ! Mon grand-père, tout vif dans nos cœurs, a cet art inimitable de nous inviter à le rejoindre dans l'aventure de recherche,  nous guidant,  ouvrant la porte à nos propres explorations !
Ses livres parfois nous rendent presque complices de son récit. Ce sont des merveilles à lire. Ce ne sont point les livres d’histoire parfois trop doctes ou au contraire trop approximatifs  que l’on trouve trop souvent  au fil de nos voyages. Tous ses ouvrages nous permettent de prendre la voiture, un dimanche d’hiver ou un soir d’été, de faire connaissance d’un pays qui nous est cher… ou d’un horizon tout neuf. Nous pouvons imaginer que Mathurin Monier est là, à nos côtés,  avec  son vélomoteur ou simplement dans notre esprit, là avec son sourire et sa sagesse.

Mathurin Monier, homme trop modeste jusqu’à la fin de ses jours en dépit de ses nombreux titres, prix et décorations, sait que l’histoire est là pour nous tous. Il affirme qu'elle n’est pas une privilège réservé aux universitaires enfermés dans leurs tours d’ivoire.
Pour lui, l’histoire est vivante, elle ne meurt jamais, et pour nous, nous qui respirons encore dans ce pays d’Yvignac enchanteur, le nom de Mathurin Monier ne pourra jamais mourir.